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November 8, 2005

Jacques Attali: Mitterand et Gorbatchev **fr

[Révolutions de velours à l'Est, chute du mur de Berlin, perspective de la réunification allemande: à la fin de l'année 1989, le monde change de destin. Un bras de fer terrible s'engage avec Kohl, car Mitterrand veut obtenir des engagements fermes avant la réunification de l'Allemagne. Le vrai visage des acteurs de cette période clef de notre Histoire se dévoile.]
Le 6 décembre, François Mitterrand rencontra Mikhaïl Gorbatchev à Kiev. Entrevue fascinante, l'une des plus dramatiques à laquelle il m'ait été donné de participer, car s'y dessinait déjà la fin de l'URSS. «Aidez-moi à éviter la réunification allemande - dit un secrétaire général fatigué, qui semblait avoir perdu de sa tranquille assurance - ici, on ne me le pardonnerait pas; je serais remplacé par un général. Est-ce dans l'intérêt de l'Occident?» C'était très exactement ce que François Mitterrand craignait de s'entendre dire un jour, depuis son arrivée au pouvoir, par un dirigeant de l'URSS! Gorbatchev ajouta: «Kohl est bien décevant; il ne comprend rien à ses intérêts à long terme. Chez nous, le moindre dirigeant politique de province joue avec six coups d'avance. Kohl veut la réunification à tout prix, sans comprendre qu'à long terme cela conduira à la militarisation du pouvoir à Moscou et à la guerre sur le continent.»

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[…]Le président français l'encouragea à résister, au moins le temps nécessaire pour obtenir du chancelier qu'il se plie à ses conditions: «Le problème allemand a été trop vite posé… Je ne veux pas blesser les Allemands, mais je leur ai dit que le problème allemand se poserait après la résolution d'autres questions: à l'Ouest, la Communauté; à l'Est, l'évolution […]. Le discours de Kohl a bouleversé la hiérarchie des urgences - à tort.»

[…] Le surlendemain, 8 décembre 1989, les douze européens se réunirent à Strasbourg. En prenant son petit déjeuner avec le président français, Margaret Thatcher, très agitée, sortit de son sac une carte de l'Europe où une gigantesque Allemagne écrasait le reste du continent: «Vous ne voulez pas de ça, n'est-ce pas?» Elle souhaitait encore obtenir de Mitterrand l'assurance qu'il refuserait la réunification; il ne lui donna que celle de ne rien faire pour l'accélérer. Elle insista: «Trop de choses arrivent en même temps! Si l'Allemagne domine les événements, elle prendra le pouvoir sur l'Europe de l'Est, comme le Japon l'a fait sur le Pacifique, et cela serait, de notre point de vue, inacceptable. Ce n'est pas une affaire purement allemande. Les autres doivent s'allier entre eux pour l'éviter. Quand la RDA aura été une démocratie pendant quinze ans, on pourra peut-être parler de réunification.»


«Gorbatchev est inquiet des conséquences militaires de la réunification»


François Mitterrand lui exposa ses propres inquiétudes, qui portaient non pas sur la réunification des deux Allemagnes, mais sur la stabilité de la frontière germano-polonaise: «Kohl ne parle jamais de la réunification de la RFA avec la RDA, ce qui serait clair. Il utilise systématiquement la formule “unité du peuple allemand”. Qu'est-ce que ça veut dire, l'unité du peuple allemand? Kohl y inclut-il les Allemands qui vivent en Silésie polonaise ou dans les Sudètes tchécoslovaques? Chaque fois qu'on lui demande de préciser sa pensée, il reste dans le flou. Il doit évidemment faire face à la surenchère électorale de son extrême droite, qui revendique les territoires du Grand Reich. Mais en laissant subsister le doute, il joue un jeu dangereux. Cette formulation est une question primordiale pour l'avenir de l'Europe. Il ne faut pas oublier comment l'Europe a explosé en 1937.» Et il ajouta: «Le danger serait d'avoir, en réaction, en URSS un régime multipartite, nationaliste et militariste.»


Le président reçut ensuite le chancelier Kohl en tête à tête et lui raconta sa rencontre de Kiev pour lui faire prendre conscience des risques d'une trop grande précipitation: «Gorbatchev est inquiet des conséquences militaires de la réunification, pas de ses conséquences politiques. Le maintien du pacte de Varsovie est son dernier rempart. Il accepte tout le reste. Mais que veut dire un pacte s'il est inutilisable en cas de guerre?» Helmut Kohl répondit en faisant part de son intention d'acheter l'acquiescement de l'URSS à la réunification en échange d'une pluie de marks: «Si la croissance économique s'améliore en URSS, cela lui donnera des chances de coopération plus étroite avec nous. Gorbatchev doit cesser d'avoir peur d'un envahisseur venant de l'Ouest.» Et puis il ajouta, comme en passant: «En RDA, la situation est très instable, il faut attendre. Hans Modrow m'a fait dire cette nuit qu'il souhaitait que je parle à la RDA dans les jours à venir et que j'annonce une évolution paisible vers la réunification.» Le mot était lâché pour la première fois. Voyant l'inquiétude de François Mitterrand face à ce fait accompli, Kohl confirma son ralliement au processus d'union économique et monétaire à douze, c'est-à-dire à l'euro; puis il s'engagea, sur l'insistance du président français, à ne pas toucher, après la réunification, à la frontière germano-polonaise, la ligne Oder-Neisse. «Mais rien ne peut être écrit avant la réunification», persista-t-il. […]


[Cette réunification, réalisée en 1990, a affaibli Mikhaïl Gorbatchev.] A la fin de juin 1991, il était devenu évident que, sans une aide massive de l'Occident, le putsch que François Mitterrand prévoyait depuis dix ans aurait bientôt lieu à Moscou. Je décidai alors de tenter un dernier coup de force: puisque le G 7 ne voulait pas inviter Mikhaïl Gorbatchev à Londres pour son sommet, j'allais l'inviter à la banque, à Londres, à la même date. Je rendis aussitôt publique cette invitation. François Mitterrand, que j'avais prévenu, approuva et demanda de nouveau que le secrétaire général du PCUS fût par la même occasion convié au sommet. Les autres membres du G 7 réitérèrent leur hostilité: un Soviétique n'avait rien à faire dans le club des riches Occidentaux. Le Premier ministre britannique me téléphona, furieux: «Jacques, vous n'avez pas pu faire ça! Ce n'est pas correct!» Je lui répondis que Gorbatchev allait accepter mon invitation et que les sept devraient choisir entre le laisser séjourner à Londres en même temps qu'eux sans le voir ou l'inviter à traverser la rue pour les rejoindre! John Major raccrocha. […]


Le 17 juillet de cette année 1991, Gorbatchev arriva donc à Londres après maints va-et-vient de messagers. Il espérait l'annonce de l'octroi d'une aide massive. Il avait besoin, me dit-il, de 10 milliards de dollars par an. Anne Lauvergeon, qui m'avait remplacé comme sherpa français, me prévint que les dernières conversations des sept avant le sommet avaient conclu à un refus d'aider Gorbatchev. Il n'aurait rien. Je n'oublierai jamais le regard qu'il échangea avec son conseiller Primakov quand, juste avant le début du sommet, je lui annonçai la mauvaise nouvelle. Il savait ce qui l'attendait à son retour à Moscou: «Jacques, vous avez bien fait d'essayer, et s'ils ne veulent pas, on n'y peut rien. Ils ne se rendent pas compte des forces terribles qu'ils vont déchaîner.» Le sommet le lui confirma: ce fut «rien» … exprimé en six points. Seul cadeau: il fut invité à Munich… pour participer au sommet de l'année suivante! Contre l'avis même de six des sept, le G 7 était ainsi devenu de facto le G 8.


En apprenant l'issue de cette visite, Boris Eltsine, en direct à la télévision russe, réclama la démission de Gorbatchev. Le sort du secrétaire général était scellé: il serait bientôt renversé soit par son rival russe, soit par l'armée soviétique. Il le fut successivement par les deux.

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