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January 1, 2006

Où est passée la fête du Saint-Prépuce? **fr




Jésus est né avant Jésus-Christ : sept jours avant le début de l’ère chrétienne

Jusqu’en 1970, l’Eglise romaine fêtait le 1er janvier la circoncision du Christ.
Un changement de calendrier tout sauf innocent
par FRANCIS MARTENS

Le comptage du temps n’est pas une mince affaire. Car on sait que si la Lune, avec le retour de ses jolis quartiers, a tout l’air d’une horloge, le malheur veut que le Soleil, qui préside aux saisons, n’a pas vraiment rendez-vous avec elle. L’histoire du calendrier est dès lors celle d’un bricolage, inlassablement amendé, pour tenter de mettre d’accord la Lune et le Soleil : autrement dit, pour synchroniser les semaines et les mois avec l’alternance climatique des saisons.
Si le bricolage est mauvais et qu’on se fie trop à la Lune, on finit par avoir des fraises en février – ce qui déconcerte le paysan. Les Romains tâtonnèrent longuement avant que Jules César, conseillé par l’astronome égyptien Sosigène, mît en place le calendrier dit « julien ». Il a donc fallu attendre l’an 47 avant Jésus-Christ pour que nous disposions d’un instrument de mesure annuelle du temps qui permette, avec le minimum de correction cyclique– un jour ajouté à chaque quatrième année –, de récolter les myrtilles à la page de calendrier qui convient. Le mois de « juillet » conserve en son nom – Julius – le souvenir du grand oeuvre, légèrement corrigé en 1 582 sous le pape Grégoire XIII.
Accorder la durée de l’an au cours solaire des saisons était, certes, le pas le plus important, mais il avait fallu se mettre d’accord sur le moment de son début. Pour marquer celui-ci, on avait « naturellement » le choix entre la reprise printanière de la végétation (ce qui séduisit d’abord les Romains) et le retour de la lumière à partir du solstice d’hiver – moment adopté dès l’an 153 de l’ère ancienne. Il fallait enfin diviser la longueur du mois en séquences maniables.
Si les Grecs avaient la décade, empruntée aux Egyptiens, les Romains adoptèrent progressivement la semaine, bien accordée à la Lune et chère au mythe fondateur des Hébreux. Bien que le Nouvel An romain ait choisi ses marques naturelles du côté du solstice (fête du Sol invictus, « soleil invaincu »), il a pris soin de s’en démarquer en se faisant célébrer officiellement, huit jours plus tard, à la fête de Janus.
Vieille divinité des portes (janua) et des passages, Janus était fêté à chaque début du cycle mensuel. Il donnera finalement sonnom au mois qui ouvre le passage de l’année tout entière, devenu ainsi Januarius, notre mois de « janvier ». L’Empire romain, on le sait, s’est progressivement christianisé. Les dieux se sont éclipsés vers d’autres empyrées. Seuls quelques noms sont restés (Mercure, Vénus…), qui émaillent à notre insu les jours de la semaine. Janus aux deux visages ne faisait plus le poids, il prit la porte et fit place nette au tout début du calendrier.
Or Jésus-Christ, faute de documents, était précisément en quête du jour anniversaire de sa naissance. C’est donc tout naturellement que la culture, devenue chrétienne, choisit de fixer son Dies natalis (la Noël) au point solsticial où triomphait jadis Sol invictus. La culture cependant n’aime pas les couleurs trop « nature ». La lumière qui reprend, la mise au monde d’un enfant – fût-il le divin fils d’une vierge – restent des évidences trop directement familières pour marquer avec force la coupure de l’an. Jésus, heureusement, avait eu la bonne idée de naître juif, c’est-à-dire promis à la circoncision – marque par laquelle le corps, devenu signe, échappe à toute évidence naturelle.
Dans le mythe hébreu, cette coupure est imposée par Dieu à Abraham. Gage d’inscription dans le groupe, elle va de pair avec l’histoire du sacrifice d’Isaac. Elu par Dieu, Abraham est mis à la tête d’une postérité innombrable. Dépossédé symboliquement d’un fils, charnellement orphelin d’un prépuce, il est gardé néanmoins en d’humaines limites. Des trois monothéismes, seul le chrétien s’est progressivement séparé de la circoncision. Progressivement, car les premiers disciples de Jésus sont, évidemment, des juifs, et lui-même ne s’est jamais détaché de la loi de Moïse. Il faudra tout un temps pour que prévale, chez les chrétiens, le rituel baptismal et la notion de « circoncision du coeur », rappelée par Paul de Tarse à partir du Deutéronome. Mais cette métaphore, qui rend obsolète la distinction entre circoncis et non circoncis, n’invalide en rien le vieux rite. La théologie chrétienne la plus officielle (celle, par exemple, de Thomas d’Aquin) a toujours professé que la circoncision, à elle seule, effaçait déjà le « péché originel ». Cela n’a pas empêché d’occire quelques juifs. Mais au moins la filiation entre la nouvelle Alliance et l’ancienne restait-elle fortement affirmée.
La célébration de la Noël à la date du 25 décembre est attestée pour la première fois en l’an 354. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la décision de commémorer la naissance de Jésus à la place de l’ancienne fête solsticiale, plutôt qu’au jour de Janus, n’avait rien d’innocent. Car, en toute rigueur, cela signifie que Jésus est né avant Jésus-Christ : à savoir, sept jours avant le début de l’ère chrétienne.
En d’autres termes, ce qui fait structurellement pivot entre l’ère ancienne et la nouvelle, c’est la circoncision de Jésus et non sa mise au monde par Marie. Le commencement du temps chrétien s’ombilique ainsi au coeur du plus important des rituels du judaïsme. La théologie des origines a bien senti que Dieu ne pouvait s’incarner dans le reniement. Jésus, né juif et légitimé, pour les chrétiens, par les textes prophétiques juifs, ne pouvait être soustrait, au huitième jour, au rituel le plus sacré des juifs – celui qui incarne, au prix d’une perte, l’alliance avec Dieu.
Le comptage des jours étant ce qu’il est, l’indéfini des origines vient s’articuler du même coup à celui de la fin des temps, de part et d’autre du point fixe représenté par la coupure du divin prépuce (années « avant Jésus-Christ » et années « après Jésus-Christ »). Qu’on le sache ou non ne change rien à l’affaire. Unsystème symbolique n’a pas besoin de permission pour nous encadrer.
Dès le VIIIe siècle, pour l’ensemble de la chrétienté, l’affaire était entendue. Au Sol invictus avait succédé la Noël, et le vieux Janus, au 1er janvier, avait laissé place à la fête « de la Circoncision et du Saint- Prépuce (sic) de Notre Seigneur ». Cela du moins jusqu’au bogue théologique du 1er janvier 1970. Car, à cette date, la fête de la Circoncision passe discrètement à la trappe au profit de celle de « sainte Marie mère de Dieu »… Que s’était-il passé pour que l’Eglise catholique apostolique et romaine renonce subitement, et quasi clandestinement, à l’une de ses plus fortes marques symboliques ? En l’absence d’explication, on est bien forcé de souligner la parfaite cohérence, hélas, de la chronologie et de la pire des logiques. Tout se passecommesi, entraînée par l’esprit conciliaire, l’Eglise avait failli se réconcilier comme malgré elle avec les juifs. En mettant un bémol à l’accusation de « déicide », le concile Vatican II (1962-1965) avait fait un sort à la « perfidie judaïque » chère aux oraisons du vendredi saint. Reconnaissant sa filiation, l’Eglise romaine avait été jusqu’à appeler à un « dialogue fraternel » avec le judaïsme en reconnaissant, à la suite de Paul, « qu’elle se nourrit de la racine de l’olivier franc sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que sont les gentils » (Vatican II, 28 octobre 1965).
Au concile, des voix s’étaient élevées qui suggéraient déjà que l’on canonise Jean XXIII par acclamation (comme en ces temps où le peuple de Dieu avait le pas sur son administration). Il y avait péril en la demeure. Paul VI, avec une habilité toute vaticane, avait déjoué la manoeuvre en s’empressant d’ouvrir une procédure de béatification classique pour Jean XXIII en même temps que pour le très contesté Pie XII. C’est moins de cinq ans après la « réconciliation » conciliaire, il faut le constater, et sous le pontificat de cemême Paul VI, que la fête de la Circoncision désertait pour de bon le calendrier liturgique romain. L’impact de leur acte (digne de l’ablation de Trotski des albums staliniens) n’a pu échapper aux liturgistes professionnels qui trafiquèrent discrètement la symbolique chrétienne du Premier de l’an. Il s’agit d’une décision délibérée qui vient démentir toute bonne intention par ailleurs affichée. Car, bien que d’une grande sottise théologique, cette petite vilenie n’est pas sans portée. Il n’y va de rien de moins que d’une mutilation généalogique. D’un parricide symbolique. D’un désaveu de filiation. L’identité catholique est-elle à ce point vacillante qu’elle ne peut se passer du reniement ?a Francis Martens, anthropologue de formation, enseigne en troisième cycle de psychanalyse à l’Université catholique de Louvain (UCL), en Belgique.

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