Moscou investit dans un cimetiere francais
Le gouvernement russe vient d'allouer 692 700 euros à l'entretien du cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), une commune située au sud de Paris. L'idée peut sembler baroque si l'on ignore qu'il s'agit de la plus grande nécropole russe en dehors de Russie.
Ici, 6 000 tombes abritent les restes de près de 20 000 Russes, dont une partie notable de l'intelligentsia qui a fui le régime soviétique, à différentes époques. On y trouve le Prix Nobel de littérature Ivan Bounine (1870-1953), le cinéaste Andreï Tarkovski (1932-1986), auteur d' Ivan Roublev et du Sacrifice, les danseurs et chorégraphes Serge Lifar (1905-1986) et Rudolf Noureev (1938-1993), le peintre Serge Poliakoff (1900-1969), le prince Lvov (1861-1925), président du premier gouvernement provisoire après la chute du tsar Nicolas II en 1917. Ou encore quelques Romanov, membres de l'ancienne famille impériale, l'écrivain Viktor Nekrassov (1911-1987), prix Staline de littérature pour Dans les tranchées de Stalingrad, le poète et chanteur contestataire Alexandre Galitch (1919-1977) ou l'acteur de cinéma Ivan Mosjoukine (1887-1939), une star de l'entre-deux-guerres.
Le Francilien se trouve dépaysé au milieu de cette forêt de croix orthodoxes et de ces inscriptions en caractères cyrilliques. L'architecte Benois y construisit une petite église bleue et blanche, Notre-Dame de l'Assomption, qui, avec son clocher à bulbe, ne serait pas déplacée du côté de Novgorod.
Pourtant il s'agit du cimetière communal de Sainte-Geneviève- des-Bois. Et c'est bien la source du problème, essentiellement juridique, qui est aujourd'hui réglé. « Comme dans tous les cimetières municipaux, les tombes de Sainte-Geneviève-des-Bois sont concédées, moyennant finance, pour des durées variables [qui ne peuvent pas excéder 99 ans], explique son maire, Olivier Léonhardt (PS). A l'expiration de la concession, celle-ci est, soit prolongée, soit abandonnée si personne ne se manifeste. C'était le cas de 648 concessions situées dans la partie russe du cimetière qui compte plus de tombes russes que de tombes génofévaines - les habitants de Sainte-Geneviève-des-Bois. Nous aurions dû redistribuer ces concessions après avoir placé les vestiges de leurs occupants dans un ossuaire. La municipalité, compte tenu de la situation historique de cette nécropole, a sans cesse différé la reprise de ces concessions. Il fallait agir. » C'est ainsi que le maire français a contacté les autorités russes. Et a finalisé un accord avec le gouvernement de Moscou pour « régulariser la situation juridique des concessions tombées en déshérence en les renouvelant », indique Olivier Léonhardt.
Pourquoi une telle enclave orthodoxe en grande banlieue parisienne ? Parce qu'une maison de retraite, la Maison russe, au départ destinée aux émigrés « blancs » - et qui existe toujours -, a été ouverte ici en 1927. Les vieux pensionnaires étaient naturellement enterrés dans le cimetière municipal. L'aura de la maison de retraite et celle de cet ultime morceau de terre russe firent qu'un grand nombre d'émigrés russes, fameux ou non, domiciliés en France ou ailleurs, le choisirent pour leur dernière demeure.
Aujourd'hui, la notoriété du cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois est si grande en Russie que les tour-opérateurs russes l'ont inclus dans leur tournée parisienne. Le président Poutine et le patriarche de Moscou, Alexis II, sont venus se recueillir ici.
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