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November 16, 2008

Le Déjeuner sur l’herbe Nouveau


Cent quarante-cinq ans après, Le Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet fait de nouveau scandale. Non plus au Salon des refusés de Napoléon III, où la femme nue entourée de messieurs habillés avait fait couler beaucoup d’encre en 1863, mais au salon Paris Photo, ouvert jusqu’au 16 novembre. Le photographe britannique Rip Hopkins présente son interprétation de l’oeuvre, sur le stand de la galerie Le Réverbère. L’image est née, fin 2006, d’une commande du Musée d’Orsay, où l’on peut voir la toile : pour célébrer son 20e anniversaire, l’institution donne carte blanche à cinq membresdel’agence Vu pour photographier le musée. Rip Hopkins est chargé de faire une oeuvre avec le personnel. Il décide de donner aux employés « les moyens de s’exprimer » : le photographe fait poser des salariés du musée, chacun choisissant sa pose, ses habits. Devant Le Déjeuner sur l’herbe, Cyrille, un agent de sécurité, propose de se déshabiller : « Chiche », répond le photographe. Son sexe n’est pas visible ; la pose est un clin d’oeil à celle de la femme du tableau. Sauf que le Musée d’Orsay ne l’entend pas de cette oreille. Serge Lemoine, alors président du musée, refuse l’image tout net.« Il y avait trop de photos, nous avons choisi celles qui étaient plus intéressantes, plus spirituelles », plaide-t-il. Pour Rip Hopkins,c’est plutôt « la représentation de la nudité masculine » qui pose problème. D’autres images du photographe sont écartées : l’une montre un employé en tenue de rugbyman devant L’Atelier du peintre, de Courbet. « L’histoire se répète : cette toile aussi figurait au Salon des refusés ! », souligne malicieusement la codirectrice de la galerie Le Réverbère, Catherine Dérioz. Mais ce ne sont pas seulement les rapprochements avec les toiles de maîtres qui sont en cause. Une photo donne à voir deux employées du vestiaire, d’origine africaine, coincées dans les casiers réservés aux valises. Comme prisonnières.
« Ce sont elles qui ont choisi leur pose, souligne le photographe. Le musée a refusé tout ce qui touchait à quelque chose de profond. Il voulait faire de la com. » A partir de là, les relations entre le photographe, son agence et le musée s’enveniment. Rip Hopkins est « privé de vernissage » à Orsay. Puis le musée refuse que les photos censurées soient diffusées. « Dignité du musée » Lorsqu’un livre sur la photographie contemporaine, publié par la fondation HSBC, inclut deux photos de Rip Hopkins, dont Cyrille et Le Déjeuner sur l’herbe, Serge Lemoine proteste dans une lettre à Vu : les images« portent atteinte à la dignité du musée ». Il rappelle que, selon le contrat signé entre les parties, l’agence doit demander l’autorisation au musée avant toute diffusion des photos « afin de se protéger de toute utilisation malveillante et diffamatoire ». A Paris Photo, Le Réverbère a décidé de montrer l’image et d’évoquer sa genèse mouvementée. Quatre exemplaires ont déjà été vendus en trois jours. De son côté, Serge Lemoine est persuadé que « la galerie n’a pas le droit de présenter cette photographie. L’autorisation signée par l’employé se limite à un usage non commercial ». Le photographe assure que ce dernier lui a donné une nouvelle autorisation. Quant à l’actuelle direction du Musée d’Orsay, elle ne veut pas entendre parler de cette histoire, qui concerne un projet de l’ancien président. Outre Paris Photo, la muse d’Orsay est aussi présente sur une plaquette de la maison de vente Artcurial, pour illustrer un cycle de débats à venir sur le thème des oeuvres d’art controversées. Coïncidence : la maison de ventes vient justement de nommer, comme conseiller artistique et culturel…
Serge Lemoine.

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