Giant Jellyfish Invade the Sea of Japan **fr
Les cyaneas prolifèrent depuis quatre ans. Elles semblent profiter d’un surcroît de nourriture rendu disponible par la surpêche des prédateurs
Avec ses 200 kg et ses 2 mètres d’envergure, elle n’est mêmepas la plus monstrueuse des méduses. D’autres peuvent s’enorgueillir d’ombrelles (leur corps) encore plus volumineuses, de tentacules s’allongeant jusqu’à 35 mètres, de venins presque immédiatement mortels pour l’homme. Mais, pour les pêcheurs japonais, la méduse d’Echizen, comme on l’appelle localement, est devenue la plus pesante. Elle s’est imposée en masse cet automne, au plus fort de la pêche au saumon, dans les filets qu’elle a parfois fait céder sous son poids et où elle a souvent écrasé ou empoisonné les prises. Au point qu’en certains ports, la campagne a dû être suspendue, au prix de lourdes pertes financières. A vrai dire, les riverains de la mer du Japon ne viennent pas de découvrir cette géante, que Jacqueline Goy, spécialiste des méduses associée à l’Institut océanographique de Paris, classe dans la famille des cyaneas. Elle naît et grandit en mer de Chine orientale, puis se laisse emporter par les courants vers le nord. La nouveauté ne tient pas à ces flux, jusqu’ici raisonnables, mais aux proliférations constatées en 2005, après celles de 2002 et de 2003. Cette année, les proportions sont telles que les masses gélatineuses ont débordé sur la côte Pacifique du Japon.
« Elles pullulent toute l’année »
Comment expliquer cette surpopulation brutale ? Les chercheurs connaissent mal ces géantes, que leur taille rend très difficile à élever en laboratoire. Mais il semble que la principale explication soit liée à un accroissement des stocks de nourriture nécessaire au développement de ces carnivores. Des observateurs ont mis en avant les fortes pluies en Chine, cet été, qui ont pu déverser davantage de nutriments dans les fleuves. « Emportés par le ruissellement, les engrais utilisés par l’agriculture ont pu être charriés en quantité plus importante jusqu’à la mer », estime Mme Goy. Là, ils ont contribué au développement du phytoplancton, le plancton végétal, dont se repaît le zooplancton, animal, qui constitue le plus gros de la nourriture de ces méduses.
Outre l’agriculture, une autre activité humaine, pratiquée avec excès, a sans doute joué un rôle crucial. « En éliminant les poissons en masse, la surpêche a libéré des quantités d’aliments qui sont devenus disponibles pour d’autres espèces de prédateurs, particulièrement les méduses, très voraces », dit Mme Goy. En dévorant les oeufs ou les alevins des poissons, les méduses en surnombre accentuent encore ce déséquilibre.
Loin du Japon, ce phénomène est devenu flagrant en mer du Nord, en mer Rouge, mais surtout en Baltique et en mer Noire, en passe de perdre leurs derniers bancs de harengs ou d’anchois et de se transformer en « soupes de méduses ». Selon Mme Goy, ces deux mers presque fermées souffrent, en plus, d’un réchauffement ponctuel, lié aux rejets d’eaux plus chaudes par les centrales thermiques qui les bordent. « Les températures hivernales se sont élevées et les méduses ne reconnaissent plus les saisons qui peuvent réguler leur reproduction. Elles se mettent à pulluler toute l’année. »
Quelles que soient les causes locales, les pêcheurs sont de plus en plus nombreux à se plaindre, dans le monde, du nombre croissant de méduses remontées dans leurs filets. Les géantes de la mer du Japon ne seraient que les indices les plus impressionnants d’une tendance de fond. La vision de Jules Verne, qui prédisait, dans Vingt mille lieues sous les mers, des océans vidés de leurs poissons et de leurs mammifères et « encombrés de méduses », menace de prendre forme.
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