Just've Read: Michel Onfray Treatise of atheism **fr
Le succès du livre de Michel Onfray, Traité d'athéologie (Grasset, "Le Monde des livres", du 11 mars) est venu curieusement faire contrepoint au centenaire de la loi de séparation de 1905. Moins parce que les invectives qu'il contient rappellent les plus chaudes heures de l'anticléricalisme, qu'en raison d'une confusion introduite par l'ouvrage sur la nature et le sens de la notion de laïcité. Pris à la lettre, le professeur d'athéisme aurait pu faire oublier que les chrétiens ont eux-mêmes investi la loi, qu'ils se sont formés à son contenu. Ainsi, la frontière de la laïcité ne passe nullement entre croyants et athées, mais elle traverse et enrichit tout le champ du religieux. Emile Poulat évoque quelques épisodes de l'histoire mouvementée du christianisme au XXe siècle.
En fait, au-delà du violent et injuste argumentaire d'Onfray à l'encontre des trois monothéismes, avec une prime de brutalité pour les chrétiens, ce livre a le mérite de montrer les limites intellectuelles d'un exercice classique : l'attaque antireligieuse. A l'image de toute idéologie, l'athéisme a ses forces et ses faiblesses, ses hautes et ses basses eaux...
Comme l'explique Irène Fernandez dans l'un des ouvrages de réfutation de Michel Onfray (Dieu avec esprit. Réponse à Michel Onfray, éd. Philippe Rey, 164 p., 14 ¤), la foi comprend mieux, avec moins de passion, l'athéisme que l'inverse. Ce qui est plus un devoir qu'un privilège. La théologie, de son côté, a forgé ses concepts "dans un rapport étroit et souvent dialectique avec la philosophie" (1). Le contenu de "bibliothèques millénaires" illustre l'effort de pensée qui a été déployé pour accéder à l'intelligence du message de la Révélation et, solidairement, de notre condition d'homme. L'ouvrage fondamental de John P. Meier sur Jésus, comme l'encyclopédie consacrée à saint Augustin appartiennent à cet effort.
PERSISTANCE DE STÉRÉOTYPES
Deux autres essais viennent répondre à celui d'Onfray. Comme Irène Fernandez, un jeune écrivain de 30 ans, Matthieu Baumier, pointe quelques errements, notamment historique du Traité d'athéologie, par exemple, lorsque son auteur parle du "mariage d'amour entre l'Eglise catholique et le nazisme" (L'Anti-Traité d'athéologie. Le système Onfray mis à nu, Presses de la Renaissance, 246 p., 17¤).
Dans Le Nouvel Antichristianisme, René Rémond (Entretiens avec Marc Leboucher, Desclée de Brouwer, 152 p., 18¤) s'indigne de la persistance de stéréotypes contre le christianisme que le moindre regard objectif, ou la simple bonne foi, ne devraient plus tolérer. Mais il n'y a jamais de violence verbale chez lui. L'historien aligne des faits et les analye. Sa clarté d'exposition tranche avec le ton militant d'Onfray. L'Eglise, citadelle de l'obscurantisme ? Procès obsessionnel, archaïque, insiste Rémond. Plus personne ne peut ignorer les efforts de la théologie pour articuler la foi et la raison ou le travail d'un siècle d'exégèse critique de la Bible. Répression morale et politique ? L'historien catholique ne nie pas la puissance de la tradition ascétique et doloriste du christianisme, mais démontre aussi comme le message du Christ des Béatitudes fut un message de libération : le christianisme n'a rien voir avec "une quelconque invitation à la résignation".
Rappelant que l'Eglise, en eût-elle le souhait, n'a plus les moyens de contrôler les partis et les esprits, René Rémond cherche à comprendre les origines de cette remontée d'antichristianisme. Pour lui, c'est le masque d'un "ultralibéralisme" qui n'est pas seulement économique, mais moral, qui nivelle les valeurs au nom d'un prétendu droit absolu au "bonheur", d'une "idéologie libertaire" qui confond liberté et licence, d'un "néopaganisme", enfin, qui a conduit le XXe siècle aux pires idolâtries.
Le livre dirigé par Olivier Boulnois et préfacé par Mgr Lustiger, Je crois en un seul Dieu, rassemble des contributions de théologiens parues dans la revue catholique internationale Communio entre 1975 et 1991 (dont Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, et de Hans Urs von Balthasar). Analysant les différents articles du Credo, l'ouvrage illustre et développe avec une grande rigueur spéculative — mais une spéculation directement relié, à l'expérience concrète du croyant — ce postulat formulé par l'auteur : "L'objet de la foi est intelligible de part en part." Cette affirmation élémentaire est centrale, dans la mesure où elle permet de se soustraire à l'idée fausse selon laquelle la foi appartient au domaine de l'irrationnel, de l'invisible, du sensible. Il y a donc là quelque chose à penser, à articuler.
De la dimension collective de la religion et de la foi professée en commun, Michel Onfray fait sa principale cible. En revanche, de la multiplicité des possibles rapports individuels à la foi, il ne dit mot. Bernard Sichère, philosophe et écrivain, témoigne dans Catholique (Desclée de Brouwer, 160 p., 19¤) de l'un de ces possibles. Démontrant qu'à l'intersection du sensible et du raisonnable, du collectif et de l'individuel, l'appartenance à une religion — et même la simple qualité de fidèle — ne constitue en rien un frein à la liberté de penser.
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